« Ce sont les mots les plus discrets qui portent l’ouragan. Des pensées mènent l’univers qui viennent à pas de colombe » Disait l’ami Nietzsche. Et c’est dans une résonance bien plus discrète que ne pourra l’être une énième déclinaison des Airpods que furent présentés les Freebuds 3 de Huawei. Sur le papier le modèle a pourtant déjà beaucoup de choses intéressants, mais c’est sa puce et surtout son protocole BT-UHD qui m’auront particulièrement marqués. Le grand public n’aura rien retenu de ce court passage, tout comme il tressera des lauriers à Apple et les futurs Airpods 3 que je vois mal aussi innovants (EDIT : comme quoi on peut se tromper). Le monde marche ainsi, on applaudit Apple parce-qu’il supprime des technologies, on laisse dans le silence ce qui est potentiellement la véritable arrivée d’une approche totalement lossless du Bluetooth. Heureusement que je suis là, bande de villageois !
Freebuds 3 : d’abord l’innovation
Le modèle reprend dans les grandes lignes l’approche des précédents Huawei Freebuds 2 / Honor Flypods, c’est à dire un true wireless en mode écouteur bouton, de fait assez proche des Airpods. Mais ici les freebuds 3 s’éloignent encore davantage avec une structure plus douce, un peu plus travaillée. Le modèle précédent avait des avantages, mais rien qui ne puisse vraiment faire dire qu’il était supérieur aux Airpods.
Huawei a clairement décidé de booster son approche du bluetooth et produits liées. Première hérésie que j’attend vraiment de voir : la réduction de bruit active. Une réduction de bruit active sur des Freebuds 3 qui n’isolent rien à la base ? Oui, j’ai moi aussi tiré une tronche longue comme ça en voyant l’annonce. Mais avec quelques précisions on se rend compte que tout n’est pas aussi stupide. Le produit essaye de conserver le côté plus aéré de l’écouteur bouton (ou non-intra) tout en se basant sur une réduction davantage portée sur les médiums. En d’autres termes il ne faudra pas attendre des performance dignes des casques Bose ou Sony, ni même des True Wireless Sony WF-1000Xm3, mais d’une atténuation davantage portée sur l’environnement général que sur des vrombissement de moteur. ce genre d’écouteur pouvant commencer à tenir la route à partir des 100Hz et au-dessus, il n’est pas impossible de voire Huawei et les Freebuds 3 réaliser une telle performance. Néanmoins l’annonce fait état d’une réduction de 15dB, ce qui est effectivement assez faible. A voir. Cette réduction sera réglable via l’appli dédiée et un amusant système de cercle de sélection.
Et pour mieux prendre Apple à son propre jeu, la marque annonce sa puce Kirin A1, sorte de réplique encore plus avancée des W1 ou H1 Apple. La marque se targue de réduire la consommation de 50% par rapport aux puces Apple, de proposer une latence réduite de 30% (190ms) pour un taille égale à 95% de celle de son concurrent. Et ce n’est pas tout puisque la recharge serait également plus rapide, 30 min suffirait ainsi pour recharger à 70% la boite en filaire et 30% en sans-fil via son chargement induction, contre respectivement 35% et 20% pour Apple.
La petite batterie de 40mAh logée dans chaque écouteur permet une autonomie de 4 heures par recharge, et 20 heures en comptant la boite de rangement.
Cette performance est maintenant assez loin des meilleurs, mais il faut prendre en compte la taille toujours réduite de ce genre de produit et surtout l’ANC qui devrait littéralement faire exploser la consommation. En passant j’aime beaucoup la boite de recharge format babybel du produit. Disponible en noir ou en blanc. Un peu triste mais soit.
L’approche de reconnaissance via conduction osseuse des Freebuds 2 en version Pro va ici trouver une nouvelle utilité avec l’isolation de la voix lors des conversations. Cette fonction est couplée avec une amélioration des performances en environnement venteux.
Côté audio puisque cela m’intéresse toujours, nous serons sur un driver conséquent de 14mm avec un nouveau système de « tube dédié aux basses ». Comprenez par-là que la marque semble avoir adapté le principe d’un bass-reflex, chose pas si commune sur les casques (utilisant davantage les radiateurs passifs, et rarement) et écouteurs.
Derniers points, le système de synchronisation s’affranchissant du système maitre esclave. Mais nous passons là dans la puce Kirin A1 et le format BT-UHD.
La puce A1 ? Du bluetooth 5.1 (ça change rien)
Nous avons encore assez peu de détails sur ladite puce et nous n’en aurons sans doute jamais. Néanmoins, celle-ci a réussi un point marketing en étant la première bluetooth 5.1 adaptée à un casque. Les changements ? Rien du tout si l’on se base sur le standard en lui-même. Mais comme avec les modèles Bluetooth 5.0, beaucoup ne manqueront pas de crier que c’est mieux, ou plus stable, ou mon c.. sur la commode. Je me sors déjà mon popcorn du village. Nous avions déjà évoqué le Bluetooth 5.1 lors de son annonce.
Cela en revanche ne veut pas dire qu’elle ne propose rien. Elle propose même quelque chose de colossal, quelque chose qu’on pourrait qualifier de révolutionnaire, du moins sur le papier. Nous avions déjà les puces propriétaires Apple, la galaxie de technos propriétaires Qualcomm, nous auront maintenant Huawei qui vient à son tour rajouter sa couche de foutoir sur le bordel qu’est le Bluetooth.
BT-UHD : la révolution Bluetooth
Car si les Freebuds passent encore pour des écouteurs bien sympathiques, plutôt novateurs, c’est bien l’annonce du BT-UHD qui m’a fait sauter de ma chaise.
Présenté comme une chose un peu flou, que certains ont vus comme un nouveau codecs, le BT-UHD est peut être ça, mais avant tout bien plus.
La marque annonce que la puce Kirin A1 permet une vitesse de transmission triplée par rapport à ce qui existe pour le moment. Oui, triplé. Celle-ci annonce 6.3mbs contre 2.1mbs. Le 2.1 arrange légèrement Huawei puisque nous pourrions plutôt l’établir à 3mbs (limite du Bluetooth avec modulation EDR), la valeur de 2.1mbs étant une limite un peu différente. Mais BREF. dans le pire des cas la marque cela implique une vitesse au moins doublée.
Images suivantes et la marque dévoile ce que donne cette vitesse de transmission en pratique : un bitrate de 2.3mbs (vitesse de transmission et bitrate pratique étant deux choses très différentes). Sur le papier cela veut donc dire une vitesse plus que doublée, et permettant de largement surpasser les limites théorique du bluetooth. Ce dernier est, dans le cadre de l’audio, régulièrement vu comme allant à 1.4mbs max, mais plutôt 1mbs si l’on veut se donner une marge de sécurité. Et même ainsi, rares sont les casques tenant vraiment un codec comme le LDAC à son bitrate max de 990kbs, la moindre perturbation fait chuter la réception derrière un seuil correct. C’est la raison pour laquelle aucun True Wireless n’est pour le moment capable d’assurer convenablement du LDAC, et également pour cette raison (entre-autres) que bien des smartphones Android choisissent de manière opaque de limiter le bitrate de base à 660kbs voire à 330kbs (un niveau de qualité le rendant à peine aussi bon que le SBC de même bitrate).
De la magie que ce BT-UHD à 2.3mbs ? Sans doute pas. Mais pour commencer rappelons que :
- Une marque peut annoncer les chiffres qui lui plaise, cela ne veut pas dire que ce sera atteignable en pratique, le 2.3mbs peut parfaitement être un débit théorique impossible à tenir en utilisation normale.
- 2.3mbs indique peut-être le débit max d’une utilisation avec codecs adaptatifs. Le smartphone/écouteur choisiront,par exemple, de laisser un débit bien plus faible faut de pouvoir faire mieux en pratique. Un genre de « on peut faire du 2.3mbs mais en fait on arriver jamais à faire mieux que 1.4mbs (pur exemple) » n’est pas à exclure.
Ensuite, et d’après Vincent (CEO) de l’entreprise Tempow qie je remercie pour son éclairage, ce BT-UHD franchirait enfin le pas, et se baserait sur un profil audio utilisant le Bluetooth Low Energy. On sait déjà qu’un tel profil audio est prévu en standard pour ce qui sera sans doute la version Bluetooth 6, mais Huawei a donc décidé de prendre les devants et le pognon possible en le faisant de manière propriétaire. Qu’elles sont belles nos marques avançant main dans la main (couteau dans l’autre) dans un Bluetooth commun.
Pour rappel, pour le moment le seul profil audio (musical) existant est sur le vieillissant bluetooth classic. Il est l’une des raisons faisant que le passage entre une version 4.1, 4.2, 5.0 ou 5.1 du bluetooth ne change absolument rien pour un casque, que ce soit en qualité audio, en stabilité ou en rapidité d’appairage.
Mais surtout, si beaucoup de choses sont possibles avec une puce classique via un peu de modifications software (Tempow a par exemple déjà développé des outils pour connecter un smartphone sur 2, 3 voire 4 casques/enceintes, et prépare des profils pour synchroniser les true wireless sans maître, tout en modif logicielles ), le BT-UHD parait aller plus loin que la simple modification logicielle. En d’autres termes : le BT-UHD semble se baser sur une puce plus lourdement modifiée. Le BT-UHD se présente ainsi non pas comme un codec mais comme un protocole à part entière, tout comme le Bluetooth est un protocole. Le modèle restera bien sûr fonctionnel avec le bluetooth classique, et ses bases sont sans doute les mêmes, mais la modification est peut-être suffisamment importante pour être vue comme une technologie un peu à part, un genre de mode « Super Bluetooth ». En l’état, seuls les modèles Huawei utilisant cette puce (le prochain Mate 30 par exemple) avec le système EMUI 10.0 pourront l’utiliser. Même chose côté casque/écouteurs. Dans un premier temps uniquement les Freebuds 3, ensuite… aucune idée pour le moment. On voit mal Huawei garder cela pour un modèle, de même qu’on le voit mal ne pas vendre sa techno un peu partout. Le codec LHDC a par exemple particulièrement été poussé par la marque. On ne sait d’ailleurs pas ce que l’avenir lui réserve ou si ce codec va simplement évoluer pour être intégrer au BT-UHD dans un meilleur bitrate.
Je ne vais pas vous le cacher, le BT-UHD m’excite autant qu’il me fait peur. La possibilité d’un mode véritablement Lossless est toujours intéressante (même si une grande partie de la qualité sonore reste le problème du DAC) même si elle n’est dans les Freebuds 3 qu’un prétexte. On voit mal cela faire la différence dans de simples écouteurs boutons forcément très limités par leur technologie. En revanche, il faudra voir pour les premiers casques. De même, nous attendons de voir si la technologie s’applique à une casque standard. En effet, la particularité du produit est d’exploiter les 2 puces des écouteurs (une par écouteur donc) en envoyant respectivement un signal mono à l’écouteur gauche et un signal mono à l’écouteur droit, ce qui permet de doubler l’efficacité par rapport à un envoi de signal stéréo. Un casque doté de cette puce BT-UHD devra donc être capable d’assurer la réception avec une seule puce.
Le LDAC est déjà très rarement tenu en pratique dans son mode 990kbs (en l’état il est presque impossible avec des TW à cause de la réception), le BT-UHD devra donc nous sortir sa baguette magique. Le Low Energy a certains avantages et Huawei les exploitent très probablement, mais il y a sans doute autre chose.
Bref tout est très flou mais votre idiot du village se tiendra au courant, se renseignera, demandera à ceux qui en savent plus, et essaiera, pour commencer, de tester les Freebuds 3 et leur technologie BT-UHD lors de leur sortie en Octobre. Le prix ? Nous ne le connaissons pas encore pour la France, probablement dans les 200 Euros. EDIT : il semblerait que le prix soit de 180 Euros, à confirmer.